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225 du monde et par ses mille têtes, quand l’ivresse des assises a cessé, quand vous ne voyez plus les fusils reluire entre les mains des gardes, quand vous passez dans la rue près d’un homme qui vous a échappé, quand la lumière est éteinte dans vos cabinets tranquilles ; la nuit, vos dents claquent ! Vos femmes en savent quelque chose, mais elles ne le révéleront jamais, ces créatures qui ont reçu la vie, qui l’ont donnée, et qui consentent à coucher avec les maquereaux de la Mort !

Nous savons tous ce que c’est que la masturbation de l’esprit, la fièvre provoquée par les veilles, et l’éloquence que donne la vue des foules. Mais nous savons aussi que cette contention brise, et qu’à l’ivresse d’un moment succède une défaillance extrême à laquelle l’homme n’échappe qu’en se réfugiant dans la paix de sa conscience. Mais vous n’êtes pas en paix avec votre conscience, car vous n’êtes pas des idiots. Au métier que vous faites les cheveux blanchissent promptement, l’estomac s’ulcère, le foie s’hypertrophie, la poche au fiel crève, et la bile s’extravase par tout le corps. On vieillit avant l’âge, on se fait horreur, on cherche involontairement des taches rouges sur ses habits, on en trouve toujours une sur le côté gauche de sa poitrine, on craint de sentir le cadavre, on aspire à l’insensibilité des morts !

Non, vous n’êtes pas tranquilles ; cela n’est pas possible. Nous tous qui avons entendu parler un