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décapités ! Malheureux ceux qui ont des protecteurs parmi les vivants porte-couronnes !




Les morts ne sont pas morts. Les morts ne sont pas loin ; ils ne sont pas dans un autre monde.

Esprits forts de la magistrature, les morts n’ont pas fait usage des passeports que vous leur aviez délivrés. Riez-vous des ombres moi je m’en ris aussi. Mais ce ne sont pas des ombres qui reviennent, ce sont des corps animés par des esprits qui ont déjà vécu : ce sont des hommes avec la tête droite sur les épaules, la haine dans le regard, et les furies dans le cœur.

Ne les avez-vous jamais vus ? N’avez-vous jamais entendu des voix, comme la mienne, qui chantaient le pamphlet consolateur et qui disaient : « Vous êtes des assassins qu’attend la potence ; le sang boit le sang ! » N’avez-vous jamais lu des philosophes qui s’appelaient Beccaria, Fourier, Bernardin de Saint-Pierre, Bonesana, Christ, et qui écrivaient : « Celui qui frappe par l’épée périra par l’épée ! » Jamais les révolutions n’ont-elles battu les portes de vos prétoires, jamais n’ont-elles déchiré l’hermine qui recouvre votre honteuse nudité ? Jamais n’ont-elles dansé, de leur pied libre, autour des débris des trônes ?

Bouchez-vous les yeux et les oreilles, riez, brillez dans les salons ; sentenciez, buvez l’orgie qui tue, sucez le sang qui brûle : c’est bien ! Mais quand vous n’êtes plus gardés par les mille bruits