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apprenne donc que la loi des revendications est inéluctable ; — que les vaincus d’aujourd’hui sont les vainqueurs de demain ; — qu’un ordre social qui s’écroule amène un autre ordre tout à fait opposé ; — que les premiers seront les derniers ; — que les têtes couvertes aujourd’hui d’écarlate seront découvertes quelque jour devant la foule, et rougies par leur propre sang.

Je n’ai pas d’amis parmi les vivants revêtus du pouvoir ; j’ai des amis parmi les morts décapités : Montcharmont et Charlet, Daix et Lahr, Borie, Berton, Moret et Alibaud. Ils me soutiennent dans la lutte ingrate, ils m’envoient l’espérance aux yeux verts, et la persévérance aux bras nerveux. Ils me disent : « L’avenir est à nous ; la Révolution ne s’arrête pas en sa route. Avance ! »

224 Ceux qui ont des amis parmi les rois et les tribuns de la terre ne trouvent auprès d’eux que l’Esclavage et la Déception au regard morne. Le découragement les prend quand les puissants leur disent : « Vous nous avez portés à l’empire ; maintenant l’humanité doit être heureuse ; après nous la fin du monde. Arrêtez-vous ! »

Mais le monde ne finit pas ainsi. Les décrets ne peuvent rien contre les révolutions. La rage frappe toujours, et la justice éplorée équilibre dans ses balances les têtes qui tombent. Les supplices d’un temps sont vengés par les supplices d’un autre temps. L’humanité tournera bien des années encore dans ce cercle de meurtres. Jusque-là :

Heureux ceux qui ont des amis parmi les morts