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ciété, d’instruire le procès de mon assassin ; quand je pense à cela et à la médiocre sollicitude que vous avez pour nous tous, condamnés politiques, je vous plains de vous prendre ainsi dans vos propres filets.

— Voulez-vous faire souffrir, tuez-vous pour tuer ? Alors, immolez des taureaux et des coqs ; cela s’élève plus facilement que des hommes. Ou si vous ne pouvez remplacer par aucune autre la volupté que vous cause le supplice capital d’un homme, alors revenez aux carrières, au lion de Phalaris, aux cirques de Dioclétien ; relevez les statues de Néron, d’Héliogabale, de Domitien et du citoyen J. Lebon, qui furent vos maîtres ; restaurez la Santa-Hermandad, refaites les noyades de Nantes et les exploits de Truphémy.

Et puis, il faut, quand on se venge, le faire grandement. Je vous demande si c’est du courage à une société de se barder de fer et de fusils, de renfermer un homme comme un tigre dans une cage de fer, d’entrer hypocritement dans cette cage, de lier cet homme en le surprenant ou en l’accablant sous le nombre ? Est-ce du courage encore de le conduire à l’échafaud, enchaîné, menotté, à travers la foule ignoble qui siffle, rit, se bat pour le voir passer, se rue 221 sur lui, l’invective, lui crache au visage et regarde s’il y a du sang dans ses veines pour le spectacle qu’elle attend. Oh ! c’est une douloureuse, une mortelle chose à voir qu’un pareil convoi, et si j’étais roi, je ne me pardonnerais jamais de ne pas faire grâce. Je me