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Mais le meilleur moyen pour qu’on ne vous fasse pas de mal, n’est-il pas de n’en pas faire vous-même ? Qui vous rendit jamais le mal avant que vous ne l’ayiez prêté au centuple ? — Ne faites donc plus de tort à personne.

— Voulez-vous punir ? Mais d’abord où est le coupable ? Vous 220 dites que c’est l’individu ; je soutiens, avec beaucoup d’autres, que c’est la société. La question n’est point encore jugée pour tous. Jusque-là, vous ne faites rien que vous venger à vos risques et périls. Je vous conteste même qu’il vous appartienne de prendre la défense des individus. Qui vous a confié ce droit ? Une majorité, l’occupation première, une révélation divine, la force ? Et si je ne reconnais aucune de ces autorités, si je conteste votre pouvoir, si je ne veux pas être vengé par vous, si votre réparation me semble inefficace, pire que l’offense ou le dommage que j’ai soufferts, si je suis en guerre avec vous… Alors vous me vengerez donc malgré moi, par des moyens que je réprouve. De sorte qu’au lieu de vous concilier ma reconnaissance, vous vous serez attiré ma haine. Voilà bien certainement une singulière position que vous vous faites vis-à-vis de moi et de beaucoup d’autres. Vous êtes vraiment trop bonne, ô Société ! de vous attirer tant de haines pour ne faire plaisir à personne, et vous ne me ferez pas croire que ce soit uniquement par dévouement et par amour du juste que vous agissez ainsi. Quand je pense que si l’on me tuait, moi, par exemple, vous seriez obligée, So-