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et qui la retire ? Savez-vous ce qu’est la Mort ? Savez-vous ce que souffrent, dans le passage de vie à trépas, la tête et le tronc que vous séparez ? Avez-vous compté les angoisses et les battements d’artères de l’homme attendu par l’échafaud ? Êtes-vous bien certains de définir justement le Crime et la Vertu ? N’avez-vous jamais décapité d’innocents ? L’ombre de Lesurques ne troubla-t-elle jamais vos fêtes ?

C’est quelque chose que la tête d’un homme. Cela médite, compare et juge, et travaille et invente ; cela contient une intelligence et une âme ; cela suppose une destinée, un avenir. Savez-vous ce que l’homme exécuté eut fait de son lendemain ? Il pouvait être guéri, et sa vie n’aurait plus été nuisible à personne, et vous la lui eussiez conservée ! Vous-mêmes, vous pouviez être guéris aussi, réparer vos injustices envers lui, et lui en demander pardon. Mais non ; il semble que vous preniez à tâche de fermer à l’accusé, comme à vous, comme à toute la société, quelque voie que ce soit vers l’amélioration. Vous ne voulez pas de réconciliation : ne vous étonnez donc pas des vengeances !




Société ! est-ce utilement que vous tranchez avec des têtes d’homme les questions les plus hautes ? À quelle opportunité croyez-vous répondre ainsi ? Quel but prétendez-vous atteindre ?

— Voulez-vous empêcher qu’on ne vous nuise ?