Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/379

Cette page a été validée par deux contributeurs.

que l’arbitraire est déchaîné, les conséquences les plus effroyables deviennent possibles. Le vol d’un morceau de pain mène à la prison ; la prison aux travaux forcés, et les travaux forcés à la guillotine. 218 Voilà le programme de la marche funèbre : c’est l’échelle de Caïn qui descend à l’enfer !

Qu’arriverait-il maintenant, si un parent de Montcharmont lui ressemblait, et puis un autre, et puis un ami, et puis d’autres amis ? Où s’arrêterait la série des vendettas atroces que vous auriez suscitées entre la majorité sociale et la minorité qui voudrait venger l’homme retranché par vous ? En supposant cela cependant, je ne fais autre chose que retracer l’origine des gouvernements et des oppositions. Le premier prêtre fut Abel, le premier meurtrier Caïn. Mais pourquoi la postérité de Caïn fut-elle maudite dans son père ? pourquoi reste-t-elle esclave ? Qui fut l’agresseur ? Qui rompit l’alliance entre les hommes ? Voilà ce que vous ne voulez pas approfondir. Car si vous remontiez à la couche où reposait la Mort, vous verriez qu’elle a été éveillée par l’Injustice matinale, et que la première injustice jaillit de votre cerveau, cuirassée d’un triple code pénal.

Dans cette lente évolution du crime, la majorité s’est toujours montrée plus lâche, plus cruelle, plus hypocrite, plus agressive que la minorité. — Plus lâche, parce qu’elle n’expose jamais sa vie pour satisfaire sa vengeance : — plus cruelle, parce qu’elle tue par le tribunal, par la Grève, par le déshonneur, — trois fois : — plus hypocrite, parce