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puissions dire que l’un soit plutôt la cause que l’effet de son congénère. Gouvernement ou opposition, chacun d’eux a sa tradition à développer, son droit à faire valoir, ses vengeances à suivre. L’un tend de plus en plus vers l’autorité et l’esclavage ; l’autre se rapproche sans relâche de l’anarchie et de la liberté. À chaque légende, à chaque principe, à chaque vengeance que l’un proclame. L’autre répond par une autre légende, un autre principe, une autre vengeance. Si l’un répand une goutte de sang, l’autre la recouvre avec une autre goutte avant que la première ait eu le temps de sécher. Henri IV est tué par les jésuites, et les jésuites sont tués par la Révolution française ; — la Saint-Barthélémy est vengée par le protectorat de Cromwell ; — Louis XVIII venge Louis XVI ; — Washington et Bolivar vengent les Girondins et Marat ; — les sergents de 1848 vengent les sergents de La Rochelle. Comme les juges auraient peur de l’histoire, s’ils savaient la lire !




Vous avez tué Montcharmont parce qu’il avait tué vos gendarmes ; son crime a provoqué le vôtre, c’est vrai, mais il ne vous absout point. Car si nous suivons le jet de sang jusqu’à la blessure première, que trouverons-nous ? Votre main qui fait saigner la colère d’un homme en lui niant son droit. Avant ce déni de justice, tout se passait régulièrement entre Montcharmont et vous, et vous auriez pu vivre longtemps côte à côte. Mais dès