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Alors tout devient doute, tâtonnement, délire d’assassinat, marche forcée dans le sang, angoisse, remords, fièvre, provocation, fureur. La santé et la justice sont perdues à jamais. Alors le malaise engendre le malaise ; le crime est père du crime, la vengeance allaite la vengeance, l’échafaud repousse de l’échafaud, le sang appelle le sang. Alors, ô malheur ! nous voyons l’humanité cheminer, le front bas, foulant sous ses pieds ivres des têtes coupées, sifflant et déclamant parce qu’elle a peur, parce qu’elle ne sait plus guère ce qu’elle fait, et qu’elle redoute de réfléchir et de rougir de honte !

Hélas ! l’histoire en deuil est une longue nomenclature des représailles que les hommes exercent les uns sur les autres ; elle redit d’une voix fatiguée les dispositions des codes contre les codes ; elle nous apprend que l’épouvantable malentendu ne cessera pas tant que les mots de justice et de liberté n’auront qu’une valeur 217 relative, tant qu’il y aura des partis, et que ceux-ci élèveront au pouvoir des monstres tels que Caligula, Louis XI, Ezzelino, Fouquet, Fouquier-Tinville et Maximilien de Robespierre, la sèche momie des républicains de la veille.


L’histoire des sociétés n’est que l’histoire des luttes des majorités et des minorités. Ces deux partis sont nés jumeaux ; dès l’origine du monde nous les trouvons en face, puis ils se développent parallèlement à travers les temps et se reproduisent sans cesse l’un par l’autre, sans que nous