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frappent du poing la tribune judiciaire ; ils divaguent, rugissent et étalent un cynique courage pour secouer la tête d’un homme sur ses épaules. Puis on attèle des chevaux noirs à une voiture de deuil, un homme rouge à une machine garance, et l’on encadre la tête du coupable dans un collier de fer qui la maintient sous le couperet. Ils appellent cela satisfaire la justice des hommes ! Justice bien calme, en vérité, que celle qui est toujours soûle de sang !

La société est souvent attaquée, c’est vrai. Mais vous êtes-vous jamais demandé si ceux qui l’attaquent sont coupables ? Vous qu’on paie pour faire des interrogatoires, comment donc ne découvrez-vous pas, avec votre perspicacité ordinaire, que cette société est le plus souvent provocatrice, qu’elle force la main à 215 l’individu, et le pousse par les épaules dans l’abîme de l’infamie ? Vous qui cherchez les plus profondes racines du crime, comment ignorez-vous que l’ordre civilisé est un inextricable désordre ; comment peut-il vous échapper que beaucoup n’ont pas assez de pain, et beaucoup d’autres trop d’or ? Pourquoi ne voulez-vous pas comprendre que le Crime est entré dans le monde à la suite de la Faim et de l’Oisiveté ?


Ah ! c’est qu’il n’y a pires sourds et pires aveugles que ceux qui ne veulent ni voir ni entendre ; c’est que vous êtes accusateurs, juges et parties dans votre cause ; c’est que vous êtes les plus cyniques de cette société de chiens ; c’est qu’elle vous