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Il courait, il bondissait sur les pics étonnés ; les abîmes élevaient leurs fonds pour le voir ; il volait, et l’air, moins léger que lui, 206 s’écartait pour le laisser passer. Ses flancs s’élevaient et s’abaissaient comme ceux d’un coursier après une journée de bataille ; ses artères battaient sur l’enclume de ses tempes ; ses reins, ses poumons, ses yeux et ses mains étaient pleins de sang. C’est ainsi qu’à travers le pays de Schwytz, franchissant des déserts de glace, il arrive par le cours des torrents et les pentes des collines jusqu’au chemin creux de Küssnacht.

Là, il se désaltère dans une source troublée par l’orage, et s’étend un instant sur l’herbe blanchie par l’hiver. Puis il se relève, dispose son arc et deux flèches, et penche son oreille contre terre : « il vient, il vient, dit-il ; le Waldstætten n’en a pas voulu !… Dieu de mon courage, vous m’êtes témoin que je ne tue cet homme que pour me défendre ! »

Le pas d’un cheval fatigue l’écho, le bruit des armures se détache parmi les gémissements de la nuit. Une voix retentissante a prononcé ces mots terribles : « Herrmann Gessler ! Recommande ton âme à Dieu. » Un trait siffle dans l’air, un homme tombe de cheval ; c’est au cœur qu’il est touché. La Suisse est libre !

Gloire, gloire à la Liberté dans les cieux et paix sur la terre aux hommes qui combattent pour elle !