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C’était aussi le plus intrépide des nochers suisses. Quand le lac secouait sa crinière blanche et bondissait sur son lit de pierre comme un coursier captif ; quand la tempête folle battait de ses mille bras les assises des monts ; quand les pêcheurs consternés accusaient le ciel et s’estimaient heureux de rentrer dans leurs cabanes, Tell saisissait la rame, et docile sous son conducteur, la plus frêle nacelle volait sur les vagues comme une plume de goëland.

Hélas ! que nous sommes déchus ! Nous ne connaissons plus ces natures géantes, ces hommes taillés dans le granit, avec leurs traits osseux, avec leurs armatures énormes, leurs cœurs de bronze, sourds à la voix de la peur. Ils personnifiaient leur siècle et leur pays ; ils étaient plus grands sous la veste grise du chasseur que les nains que nous rehaussons avec des tricornes et des bottes à l’écuyère. Le dernier de cette race fut Washington qui, sur un continent nouveau, jeta le défi d’une république aux vieux despotismes d’Europe. Quand d’aussi puissantes organisations naissent dans nos sociétés malades, nous en faisons des portefaix ou des galériens !

Gloire, gloire à la Liberté dans les cieux ! Et paix sur la terre aux hommes qui combattent pour elle !




Un dimanche que le soleil était radieux, le bailli Gessler sortit de son manoir avec ses hom-