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de Tell. Le soleil cessera de luire sur les glaciers, le lac sera desséché, et les sapins jaunis ; l’aigle superbe rampera le jour où l’esprit du Libérateur cessera de planer sur ces contrées.

Gloire, gloire à la Liberté dans les cieux ! Et paix sur la terre aux hommes qui combattent pour elle !


Tell n’était rien qu’un paysan, un chasseur. Mais au quatorzième siècle, l’homme comptait pour quelque chose quand son cœur était droit et son bras exercé. Il ne savait du monde que sa riante maison de Bürglen, les clochers d’Altorf, de Schwitz et de Sarnen, l’affection de sa femme, les caresses de ses enfants, l’estime et l’admiration de ceux qui le connaissaient. Son univers finissait à ces espaces infinis où les nuages se déchirent aux arêtes des monts.

Avant que les chamois n’eussent disposé sur les cimes du Myten leurs sentinelles défiantes, il partait, l’arbalète à l’épaule. L’abîme connaissait le bruit de ses pas ; il avait su dompter les Alpes, ce qu’il y a de plus superbes sous le ciel. Un seul homme le tenta depuis Tell : cet homme s’appelait Byron !…

Le matin, le soleil étanche ses jeunes ardeurs dans les glaces éternelles. On le voit tournoyer autour d’elles, dépensant tous ses rayons d’or, humble comme un amant qui tremble aux pieds de la première femme qui l’a séduit. Les neiges transparentes dédaignent les hommages du soleil