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semblent petits et rampants comme des vers, serrés comme des brins de gazon. Qu’ils marchent lentement sur la terre ! Leurs villes sont petites comme des ruches ; leurs maisons sont des cellules. Ils se culbutent dans les ruisseaux pour ramasser quelques maravédis.

Ils élèvent des monuments avec des cailloux et des copeaux de sapin. Je n’entends pas le bruit que font leurs marteaux. Les puits dont ils tirent l’eau me paraissent comme des gouttes de rosée. Ils s’activent à prendre des alignements et à s’entasser les uns sur les autres. Que d’émeutes, que de révolutions ; des villes sont illuminées et incendiées, des armées se choquent ; comme ils se heurtent et se tuent ! Leurs manœuvres m’impressionnent moins que le bavardage des grillons et la vanité des vers-luisants. Les voilà qui 190 passent sous des arcs-de-triomphe, comme des insectes sous des fétus de paille. Il y en a un qui semble plus grand que les autres de la hauteur d’un cheveu, et ce cheveu est un panache.

Et moi, qui suis-je donc ? un monstre de folie ou de vanité ? un ange ou une brute ? Je suis simplement un homme, assemblage de laideur et de beauté, de découragement et d’enthousiasme. Il est des moments où je vole dans l’air, et d’autres où je rampe sur le pavé. Je diffère des autres en cela seulement, que j’ose décrire mes contrastes.




Glaciers du Grindelwald, villages riants ; vallée