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LE GRÜTLI.


Chasseur des montagnes, guide mes pas aux champs du Grütli. Tu connais les sentiers des Alpes ; moi je ne sais lire que dans les livres. Nous tous, tristes humains, nous sommes des aveugles qui cherchons la liberté. Je ne l’ai pas trouvée dans les maximes des philosophes ; toi, l’ami de la nature, tu l’auras vue de plus près que moi. Chasseur des montagnes, conduis mes pas.

Helvétie, noble terre ! je veux m’agenouiller sur ton mont sacré, je veux boire à tes sources vives. Peut-être ravirai-je à la foudre, qui gronde si près de ta tête, le secret des vengeances ; peut-être découvrirai-je, dans les débris des déluges, quelles sont les voies de l’éternelle révolution ? Je veux savoir comment les eaux et le feu détruisaient autrefois les nations chargées d’iniquités. Chasseur des montagnes, conduis mes pas.

Oh ! gravir ces sommets que l’aigle parcourt dans son vol glorieux, baigner sa tête ardente dans l’atmosphère glacée, respirer les nuages encore vierges des vapeurs de notre monde, caresser l’arc-en-ciel, jouer avec l’éclair, s’approcher du Dieu de ses rêves et mépriser les hommes envieux de tout ce qui s’élève.

Frapper du pied la terre, la repousser dans les entrailles du chaos affamé, s’élancer dans l’infini, monter, monter toujours, sentir 187 la tempête