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dernier évasement du lac. Ici tout devient imposant, silencieux, solennel. Les Hautes-Alpes égarent dans le ciel leurs pointes inconnues ; la vague apporte aux crevasses des monts ses caresses ou sa furie ; une solitude absolue, une infinie tristesse, répandues sur tout, vous commandent invinciblement le respect de l’admiration.

Pas une herbe, pas un sapin sur les flancs des monts. À peine un sentier connu des seuls pâtres ; un pêcheur, le matin ; un braconnier, le soir. La chevelure des siècles n’a pas même secoué de poussière sur la roche nue. C’est le bout du monde et l’entrée de l’enfer. C’est une immense amphore de granit dont le fond se perd dans l’eau, et le rebord d’argent, dans la nue. Mais qu’on interroge chaque fissure, elle redira les épisodes d’une immortelle épopée. 184 C’est véritablement ici le temple de la liberté, son dernier refuge sur la terre.

Solitudes éternelles, enfers de glace, abîmes d’eau que sanctifièrent la grande âme de Tell et le génie de Byron… je vous salue !

Gloire à toi, Liberté !


Ne cherchez rien des hommes de notre temps dans ces lieux consacrés par le triomphe de la Justice. Vous n’y trouverez que deux souvenirs : le Grütli, dont les bergers ont entouré les fontaines avec quelques pierres, et le monument que l’assemblée générale des citoyens de Schwitz fit élever au Libérateur trente-et-un ans après sa mort. Sur cette terre républicaine, tous les souvenirs accor-