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cheveux d’argent tombaient sur ses épaules, ainsi que le feuillage d’un saule pleureur sur une colonne de marbre.

« Hélas ! ce sont les hommes les plus nobles que la tyrannie persécute. Un soir, les cavaliers de Laudenberg vinrent saisir le père d’Arnold à la veillée et le traînèrent devant leur maître. Celui-ci voulut que l’infortuné vieillard lui révélât la retraite de son fils. Et comme il ne pouvait le faire, le gouverneur furieux ordonna de lui crever les yeux avec des épieux de charme rougis au feu.

« On lui confisqua ses biens, on le dépouilla de ses vêtements, on le laissa pauvre, sans bâton, sans guide, à la fureur des vents qui soufflent du Saint-Gothard dans les noires journées de décembre. 180 C’était un navrant spectacle que celui de cet homme, heureux et riche quelques jours auparavant, et qui maintenant errait autour des maisons d’Unterwalden, disant :

« Dieu qui me voyez, et dont je ne puis plus contempler les merveilleux ouvrages ! vous m’aviez donné la vue ; vous me l’avez retirée : vous m’aviez donné un fils, le plus habile cultivateur de ces contrées, vous me l’avez ôté : vous m’aviez donné de beaux attelages, de nombreux troupeaux de chèvres et de génisses, des chiens qui forçaient le renard prompt à la fuite ; vous me les avez ôtés. Que votre saint nom soit béni ! »

« Et de ses poings fermés le vieux Melchtal pressait ses yeux privés de lumière, et ses yeux restaient secs comme les enveloppes des fruits de la