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ouvrent leurs hand-books, déploient leurs maps sur leurs longues jambes, et braquent contre la nature leurs insolents spectacles. L’Allemand bourre sa pipe allégorique. Le Frrrançais chante et se démène, trottant, furetant partout, regardant tout, excepté le paysage. L’étudiant de Zofingen et l’étudiant de l’Helvétia ceignent, chacun, les couleurs de leurs sociétés rivales. Des femmes d’Uri et d’Unterwalden tirent de leurs corsages rouges leurs seins gonflés de lait. La rêverie s’empare de moi ; je sens tous les êtres qui m’entourent s’animer et chanter les louanges de la Liberté :

— Une batelière de Gersau : « Liberté ! daigne abaisser tes regards sur l’aubépine qui fleurit à notre porte ; tous les matins je me rends près d’elle pour t’adresser ma prière et mêler ma voix à celle de la fauvette à la gorge écarlate. Mon père veut me marier à quelque propriétaire riche, et moi, je veux passer ma vie sur le bateau de celui que j’aime. — Gloire à toi Liberté ! »

— Un étudiant allemand : « Fumée bleue du tabac, souffle de ma pensée, monte aux cieux ! Va te mêler aux écharpes de nuages, aux pleurs de la rosée qui se forme, aux transparentes vapeurs, à tout ce qui est plus libre et plus élevé que nous ! Je voudrais vous suivre bientôt, mes rêves heureux ! Loin des bancs de l’école routinière, loin des salons du monde perfide, quels 177 sublimes accents ferait entendre ma langue délivrée ! — Gloire à toi Liberté ! »

— Un chasseur d’Arth : « L’enfant des monta-