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et d’économies, et tu pourras affirmer que le Col de Balme est plus élevé que la butte Montmartre !

Prends garde, phtisique, que l’air des monts ne troue tes poumons ! crains que le houx barbare ne déchire la soie de ta robe ou le vernis de tes bottines !

De la pourpre, de l’or, des bracelets, des pendants d’oreille, des mackintoshes, des hommes rasés, des journaux de mode, des spasmes : où fuir pour ne plus voir tout cela ?

Des paroles oiseuses, des conversations insipides, des rires forcés, des adulations de courtisans, des lieux communs politiques, des formules de domesticité, des expressions coulées dans le moule du savoir vivre : il faut donc entendre cela partout, même au milieu des harmonies de la nature dont la voix couvre tout du couchant à l’aurore ?

Laissez causer les bruyères et chanter les oiseaux ; laisser gémir la rafale qui s’engouffre dans les vagues de cristal ! Espérez-vous dominer le cri du vautour et le grognement de l’ours fauve ? — Parlerez-vous plus haut que le tonnerre ?

Les mains qui portent bagues, les fronts qui portent toupets, les poitrines qui portent crachats ne sont admirés que dans les villes. La nature prend en horreur tout ce qui est usé par la corruption et le travail forcé : il faut être robuste pour saisir son sein.

Ô Mont-Blanc ! roi des monts ! jusques à quand des parieurs imbéciles imprimeront-ils sur tes flancs les clous de leurs souliers, afin de pouvoir