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Qu’on dépose mon corps sous le rosier des Alpes.

Là, je verrai le soleil prodiguer ses baisers du matin à la plaine gelée. Et cela me rappellera l’ardeur de mes jeunes convictions et ma lutte inutile contre un monde endurci dans l’injustice.

Là, pendant les deux mois de l’été, se rendra la grande société des villes. Je les entendrai parler des affaires publiques, se moquer et rire, et poursuivre de leurs sarcasmes les nouvelles idées. Et cela me rappellera que ma vie fut une continuelle révolte contre ce troupeau d’esclaves.

Là, je serai chez moi, au cœur des Alpes nues que la Liberté parcourt. J’écouterai le cri de l’aigle, ami des solitudes, et le bêlement du chamois qui connaît la cruauté des hommes. Là, les crevasses des rochers me rediront les angoisses de l’avalanche balancée sur l’abîme ; et le vent des orages m’apportera des flocons de neige que le pied des hommes n’aura pas souillés.

171 Là, dans ce bienheureux exil, j’attendrai les nouvelles fanfares du cor des révolutions.




Foule parfumée du grand monde ! Ici même tu as apporté ton langage affecté et ton haleine corrompue. Depuis quand le recueillement te plaît-il ? Et que viens-tu faire au Mont-Blanc ?

Respirer l’air glacé à travers des tissus de laine, poser un coussin de velours sur le bord des ravins, inscrire ton nom bourgeois sur la Tour si haute ? Et puis tu reprendras ta vie de privations