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celui-là était un homme. Depuis, on les distingue par des numéros d’ordre.

Les rois, comme les crétins, n’ont jamais rien su, n’ont rien oublié, n’ont rien appris. Ils ne tiennent pas de rang dans les sociétés, ils vivent à leurs dépends et en dehors d’elles. Et les hommes les adorent à l’Escurial et aux Tuileries, comme dans le Valais[1]. Le roi et le crétin sont les seuls fétiches qui restent à l’humanité.

Salut ! crétins du Valais. Salut ! crétins royaux. Vous tous qui naissez aujourd’hui, vous serez encore respectés par les peuples. Rois ! vous régnerez encore : voilà l’affreux malheur que je vous prédis.

Salut ! vous êtes les lumières des nations. On traduit dans toutes les langues les discours qu’ont préparés vos ministres ; on vous enseigne à les répéter ; on cite avec admiration vos réparties ingénieuses ; on célèbre vos vastes connaissances et votre science sublime !

Gloire ! vous êtes les maîtres du monde. On salue votre naissance à grands coups de canon ; vos ébats et vos accouchements sont annoncés à vos peuples ; les ambassadeurs fléchissent le genou devant vous ; quand vous paraissez, les assemblées se découvrent ; 163 tous vos valets sont de grands

  1. Dans les gorges des montagnes où le crétinisme est endémique, la tradition populaire enseigne à respecter l’idiot et à lui rendre une sorte de culte. On dit qu’il porte bonheur à la maison. Quelle puissance la crainte exerce encore sur nous !