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tunés pourraient-ils connaître leurs propres intérêts et leurs propres besoins ?

Les rois, comme les crétins, sont placés, dès leur enfance, dans des circonstances hygiéniques qui détruisent le peu de santé que leurs parents leur laissent. Le luxe excessif dont on entoure les uns, l’extrême misère qui dévore les autres, leur sont également funestes. L’enfant royal étouffe dans un appartement qu’on chauffe jusqu’à le priver d’air respirable. L’enfant du pauvre se meurt dans une cave humide ou dans une soupente trop resserrée. On gorge le premier d’aliments trop succulents pour un estomac sans 162 forces ; la nourriture du second est insuffisante. La médecine tue l’un, le défaut de soins tue l’autre. Destinées malheureuses, mais également fatales ! L’homme n’étant fait ni pour être prince, ni pour être mendiant, ceux qui l’élèvent pour l’une ou pour l’autre de ces conditions le rendent également incapable de vivre comme les autres ; et les maladies les plus cruelles deviennent le partage des puissants et des infimes.

Pitié sur vous crétins du Valais, crétins pauvres ! Pitié sur vous crétins royaux, crétins riches ! — « poids et charge inutiles de la terre. »

Les rois, comme les crétins, sont des êtres arrêtés dans leur développement, de grands enfants, des avortons, des monstres, des essais d’homme. Ils n’ont pas de nom en propre ; ils s’appellent Pierre, Paul ou Jacques, parce qu’on n’a rien à faire d’eux. Un de leurs ancêtres a porté un nom ;