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maigre, flétri, malingre, objet de dégoût et d’affliction : monstrueux, crétin !


Un crétin ! c’est-à-dire un pauvre être déprimé, craintif et nain ; une matière qui se meut ou un homme qui végète, une créature disgraciée qui se gorge de végétaux aqueux, de pain noir et d’eau crue ; — nature sans industrie, sans idées, sans passé, sans avenir, sans forces ; — infortuné qui ne reconnaît pas ses semblables, qui ne parle pas, qui reste insensible au monde extérieur, qui naît, croît et meurt à la même place, misérable comme l’amer lichen et les chênes noueux.

Oh ! c’est un affreux spectacle que de voir l’homme ainsi accroupi dans la poussière, la tête inclinée vers le sol, les bras pendants, le dos courbé, les jambes fléchies, les yeux clairs ou ternes, le regard vague ou effrayant de fixité, sachant à peine tendre la main au passant ; — avec des joues infiltrées, de longs doigts, et de longs pieds, des cheveux hérissés comme le pelage des fauves, un front fuyant ou rétréci, une tête aplatie, et une face de singe.

160 Et il y en a ainsi sur le seuil de toutes les portes, et tout le long de la vallée ! Et ces portes donnent entrée dans des huttes gâchées de boue et de branchages, ensevelies dans la terre, à peine couvertes de chaume, à la merci des montagnes qui les surplombent !

Que notre corps est imperceptible au milieu de l’univers, s’il n’est pas grandi par notre savoir !