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souffle d’imaginations pleines d’art et de poésie.

Quelle moisson de pensées recueillerait celui qui pourrait s’imprégner ainsi de l’esprit de la jeunesse européenne ! Comme son intelligence grandirait par le rayonnement de toutes ces intelligences ! Comme son sang deviendrait plus riche par le mélange de tous ces éléments vitaux !… Les nuits discrètes savent combien de fois j’ai caressé ce projet, et ce qui m’a manqué pour l’exécuter !…


Je voyagerai. — Si je ne vais pas jusqu’où je voulais, j’irai jusqu’où je pourrai. Si je ne puis comparer qu’un certain nombre de peuples, je m’en contenterai pour le moment. Du reste, je ne m’assujétirai à aucun plan, je ne m’embarrasserai d’aucune recommandation. J’écrirai mes impressions quand elles me viendront et comme elles me viendront. N’étant pas savant, je serai dispensé de faire un cours d’histoire, de géographie et d’éloquence, à l’exemple de nos écrivains touristes. Tant que je ne serai pas fatigué, je recommencerai ; ce sera le temps le mieux employé de ma vie. Je remercie l’exil de m’avoir fait ces loisirs avant l’âge où l’homme ne se passionne plus pour rien.


Je voyagerai. — Aussi bien, aucun européen ne peut savoir où il sera demain. La Révolution mine le sol, les partis se disputent l’air, les armées sont debout, la pitié s’est couverte d’un voile, les foyers tremblent, les éléments sociaux se pulvérisent. Les hivers se prolongent, les étés sont plus courts, les