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voiles membraneuses qui soutiennent la graine au milieu des airs. L’enfant ne hait pas l’étranger, il ne le distingue pas de son voisin ; sa langue est déliée, son oreille délicate ; il chante et joue dans tous les idiomes de la terre. L’homme est destiné à vivre sous tous les climats ; ceux qui se font encore gloire de leur patriotisme achèvent tout doucement de mourir.


Je voyagerai. — Voici venir de meilleurs jours. L’humanité regorge de sang et de richesses ; ses ressources sont trop abondantes pour rester confisquées plus longtemps. Le cercle de ceux qui vivent de leur travail s’élargit ; plus de places sont libres au festin social. L’horizon se remplit de vapeurs ardentes. À travers des voiles de sang et de deuil, j’entrevois le bonheur universel, l’échange universel, la langue et la science universelles. Place à l’humanité ! Que les vieux intérêts se coalisent, que les vieilles langues calomnient, que les vieux bras se raidissent, que les vieilles générations se boutonnent dans leurs vieux costumes… Qu’importe ! Toutes ces résistances seront brisées ; la violence que l’homme ne veut pas subir, la nécessité la lui imposera. Le progrès ne marche qu’au milieu des décombres. Un nouveau siècle se prépare qui brisera le cycle d’argent du monopole, comme la sève rompt les canaux des arbres, comme les flots bondissent par-dessus les digues, comme la liqueur fermentée fait éclater les vaisseaux qui la renferment.