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gler mes pas sur ceux de milliers de gens qui me pressent, que je n’ai jamais connus, et que je ne veux jamais connaître. Je hais la foule qui bâille sur le passage des rois et sous le bâton des sergents ; j’étouffe dans les habits à la mode. J’aimerais mieux 151 vivre au désert qu’au milieu d’hommes qui suivent tous le même chemin, qui saluent de même, qui portent tous le même chapeau, la même chaîne de montre, le même nœud de cravate, les mêmes décorations ; et qui, pour les gagner, exécutent tous les mêmes bassesses. Au moins les grains de sable diffèrent les uns des autres, et le brûlant Simoun les disperse sans cesse d’un point à l’autre de l’horizon.


Je voyagerai. — Les distances se rapprochent, les hommes se touchent, les races se croisent, les produits les plus divers sont échangés partout. La vitesse des moyens de locomotion resserre l’étendue ; la matière s’anime ; les chemins tourbillonnent sous des machines plus rapides que la fumée ; le Dieu de l’Industrie hurle dans l’espace et trouble le monotone recueillement de la nature. Et seul, l’homme resterait immobile au milieu de cet universel vertige, lorsque les climats et les terroirs se modifient autour de lui ! Non, que celui qui le peut s’accoutume à tous les climats, visite tous les peuples et comprenne leurs langues. La famille humaine se rassemble pour tenir conseil. Il est temps d’ouvrir les oreilles et les yeux. Les grandes merveilles sont près de nous.