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— Où vas-tu, voyageur ?

Les roues du wagon crient sur les rails blanchis, la vapeur hurle de joie en s’échappant de la gueule du monstre. Tu trouves facilement ta place parmi la foule affairée.

— Je suis commis-voyageur. Je poursuis la Fortune, dont les yeux vitreux ne peuvent distinguer les traits de ses élus. Au risque d’être broyé par les roues de son char, je veux que sa main me touche. Le sort ne couronne-t-il pas bien des fronts aussi étroits que le mien ?

— Poursuis ton chemin, voyageur !

Le commerce met en circulation le sang de l’humanité. Le jour viendra où la balance sera juste ; alors elle pèsera plus que l’épée dans l’équilibre universel. C’est le besoin du bien-être, cher au cœur de l’homme, qui t’appelle sur tous les points du monde.


— Où vas-tu, voyageur ?

Ton front est vieilli par l’étude ; un marteau pend à ta ceinture, et tu marches seul, avec un livre à la main.

— Je désespérais du bonheur, quand du plus haut des cieux, m’a béni la Science au radieux sourire. Et maintenant, je m’arrête pensif aux lieux que le touriste fuit. Ce fer n’en veut qu’aux secrets de la nature ; avec lui je fouille le cœur du granit. Là je retrouve les traces des mondes éteints et des animaux confiés à la mort discrète par le travail des siècles. Je foule les solitudes pleines