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Nous courons à cette universalisation. Les portes de la préfecture sont assiégées de candidats. Les marquis ruinés, les guerriers en retraite, les négociants faillis, les clubistes enroués, les filles sans amants, les portiers sans cordons, les laquais mis à pied, les avocats sans causes, les médecins sans malades, toutes les existences qui périclitent en un mot, se donnent rendez-vous dans la rue de Jérusalem. On les renvoie, ils reviennent. On les paie mal, ils reviennent encore. On les humilie, ils reviennent toujours. On les destitue, ils cherchent à rentrer. La police est la mieux servie des administrations publiques. La peste est précieuse aux fossoyeurs ; la débauche, aux entremetteuses ; les partis, aux mouchards…

On a semé la misère, on récolte l’infamie.




— C’est en se gardant de l’oisiveté que les proscrits échapperont à la police. Elle n’ira pas les chercher dans leur intérieur, elle ne les atteindra pas dans l’atelier ou le cabinet d’études. Au contraire, elle les saisira, comme dans un vivier, s’ils se laissent entraîner dans les cafés de bas étage, les seuls que l’exiguïté de leurs ressources leur permette de fréquenter.

— Il faut bien le dire, la police de l’exil est faite en majeure partie par les exilés. L’un est possédé de la manie de la célébrité, et ne peut imaginer de meilleur moyen de réclame que de fournir matière à de nombreux rapports. L’autre