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à l’homme, plus que son sang, plus que sa vie. C’est toi qui frappe dans l’ombre, 137 sans danger, et qui ne peux entendre le cri du coq. Toi qui t’assieds partout ; au foyer de famille, et dans les saintes assemblées de la Liberté. Toi qui te traînes au bras de l’ami que tu vas livrer ! Oh ! que cela fait de mal de voir l’homme aussi bas !

Créature dégradée ! dans les rues chacun t’évite ; on ne te nomme qu’à voix basse, on ne te connaît que par un numéro ; la vue de ton pareil te fait horreur. Tu trahis ton père et ta mère, et les frères de tes frères, et ceux que tu ne vis jamais, et les imprudents qui t’ont confié leurs secrets. Tu vicies l’air, tu troubles l’eau, tu crains l’éclat du soleil ; la femme qui partage ta couche est empoisonnée. De l’univers des morts tes aïeux se sont levés contre toi ; tes enfants renient ton nom. Le pain que tu manges brûlera ta gorge jusqu’à ce que la police te laisse mourir de faim, après t’avoir abreuvé de honte.

Va maudit ! épuise les joies amères que t’offre la main du crime ; de toi seul sur la terre la pitié détourne ses blanches ailes. Que l’air que tu respires t’étouffe ! Que les aliments sèchent sous ta main ! Que le vin s’aigrisse dans ton verre ! Que tu ne boives d’eau que l’eau des mers ! Que tout asile te soit refusé ! Que ta femme soit stérile ! Et s’il te naît un fils d’une femme honnête, qu’il rougisse de t’appeler son père !