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reste plus assez d’énergie pour conserver mon indépendance, je subirai la prison qui m’attend. Mais si j’ai encore mon courage d’aujourd’hui, et que je sois bon à quelque chose pour cette sorte de revendication, je me ferai voleur ; je me glorifie de le penser comme je l’écris. Ainsi du moins, je serai resté fidèle à ma révolte anti-sociale, et je n’aurai pas été mendier un morceau de pain à la police, clef de voûte et sentine de toutes les iniquités. Le collier sied mal au loup.




— Homme ! comment gagnes-tu ta vie ?

— Avec la vie des autres hommes.

— Tu es soldat, sans doute ? Un de ces malheureux chargés de la haine des peuples, parce qu’ils portent la livrée des despotes et qu’ils enfoncent le fer dans la poitrine de leurs frères. == Pauvre soldat, je te plains !

— Je ne suis pas soldat, et je gagne ma vie avec la vie de mes semblables.

— Brigand alors ? Es-tu du moins l’un de ces fameux révoltés qui rendent aux sociétés le mal pour le mal, et qui trouvent même parfois le temps de faire du bien. Alors où sont tes hommes d’armes, tes vassaux, ton nid d’aigle ? Sur quelle contrée s’étend la terreur de ton nom ? Quels emblèmes portent tes bannières ? Quel cri de carnage répandent au loin les trompes de tes hérauts ?… Ou bien les voyageurs tremblants te voient-ils courir sur le front des Apennins ou des