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sions-nous autre chose que rendre à Schnepp ce qu’il nous faisait ? œil pour œil, dent pour dent, dénonciation pour dénonciation. En droit, nous agissions mal ; en fait, notre démarche ne devait rien produire que plonger Schnepp plus avant encore dans sa perdition. Il nous reste la triste satisfaction de l’avoir fait renfermer pendant deux mois dans les prisons de Genève. J’en suis profondément affligé pour ma part ; peut-être avons-nous fermé de cette manière toute issue à son repentir. Que ceux qui s’en réjouissent ne parlent plus de réformes judiciaire et pénitentiaire, ni de fraternité humaine. Ils ne connaissent pas la liberté.

Non, mille fois non, et surtout quand il s’agit d’un espion, ce n’est pas à nous qu’il appartient de chanter les louanges de la police, d’inoculer la délation aux hommes, de peupler les cachots, d’exciter le sergent de ville, et de déifier le bourreau. Laissons grouiller les mouchards autour de nous ; disons-leur qui nous sommes, ce que nous voulons, les principes que nous propageons de tout notre pouvoir, et pourquoi nous avons résolu de combattre tout gouvernement, tout ordre, toute société civilisée, par tout l’univers. Qu’ils sachent que nous serons prêts à l’action, quand les hommes, devenus fiers, jugeront à propos de se passer de gouvernants. Si nous ne conspirons pas jusque-là, c’est que nous ne nous reconnaissons ni le droit de commander aux autres, ni le pouvoir de produire dans les sociétés une révolution organique.