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qu’ils m’ont surveillé tout autant, si ce n’est plus. Qu’importe une différence dans les noms ? Que la démagogie arrive demain aux affaires, et les agents des Césars républicains auront leurs entrées à la rue de Jérusalem, tandis que les Schnepp, les Chenu et les Delahodde, reprenant leur vie errante, iront rendre leurs comptes à Brompton ou à Harley street.


Mais il ne me convient pas de célébrer ainsi la suppression de toute police et de toute organisation de parti, sans confesser un péché que j’ai là, sur la conscience. J’ai mouchardé Schnepp ; et quoiqu’il ne me revienne que le tiers de cette vilaine action, je m’en repens pour moi et pour mes complices. Quand les notes accusatrices, tombées entre nos mains, nous eurent clairement démontré le caractère de Schnepp, il fut décidé qu’une commission de trois membres se rendrait à Genève pour le faire arrêter. J’en fis partie. Le système des commissions est aussi vieux que le 133 monde politique, et les jeunes gens sont toujours disposés à se dévouer, — traduisez : à se faire valoir.

À cette époque, je croyais rendre un signalé service à la démocratie en faisant emprisonner un mouchard ; aujourd’hui, je ne le ferais plus. Toute persécution, toute flétrissure policière est attentatoire à la dignité humaine, et je ne sache pas qu’elle perde ces caractères lorsqu’elle est infligée par la main de la démocratie. En pareil cas, l’exécuteur se salit autant que la victime. Que fai-