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Ils étaient deux. L’un était jeune et beau ; c’était Beyer, grand artiste par le cœur et par le génie. L’autre était un petit homme maigre, ridé et raccorni comme la semelle d’un vieux soulier. Il tenait du chat sauvage et du loup-cervier. Ses yeux étaient gris-fauves, ses cheveux hérissés, rasés en brosse, son front plissé, ses oreilles longues, sa figure démesurément ovale, comme si elle eût été aplatie sur l’enclume de l’enfer. C’était Schnepp, le mouchard.

— « Maudit soit celui qui vend ses amis ! s’écria Beyer.

— « Qui a vendu quelqu’un ? répondit effrontément l’espion.

« Malheureux ! reconnais-tu ces papiers ? » Et Beyer lui montrait une liasse de feuilles volantes contenant les signalements des 128 réfugiés, leurs demeures, leurs actions, plusieurs rapports de police, et toute la correspondance de l’agent avec la rue de Jérusalem.

« Reconnais-tu cela ? répéta Beyer. Nieras-tu ton écriture de chat sauvage et ton nom déshonoré ? La Providence ne permet pas que des bandits de ton espèce restent impunis. Tu as laissé tomber ces papiers devant ton hôtel à Lausanne, et le hasard nous en a rendus maîtres. Avoue, ou tu es mort ! »

Schnepp attéré jeta un rapide coup d’œil sur la main de Beyer, et voyant qu’elle était armée et tenait solidement les témoignages accusateurs : « Tu sais tout, vous savez tout, s’écria-t-il ; c’est vous qui m’avez fait arrêter ; je suis un homme perdu ! »