Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/236

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Jeunes hommes au sang vermeil ! rompons avec ces habitudes d’indolence. Nous portons les idées nouvelles, et il serait contre nature qu’elles cédassent aux idées vieillies. Chantons le bonheur ; appelons-nous épicuriens, fouriéristes, Sardanapales ; buvons des vins généreux dans des coupes de vermeil ; aimons les filles des hommes quand elles sont belles, sensibles et bien parées ; que le luxe et la joie multiplient les heures de notre courte existence ! Mais ne prenons pas l’inaction pour le plaisir, l’immobilité pour le délassement, la somnolence pour la volupté, l’indigestion pour l’ivresse. Saturons-nous de plaisir, mais aussi de travail, et que l’attraction nous les fasse confondre tous deux.

L’âme de l’homme se traduit dans sa physionomie ; les plaisirs d’une société sont l’expression de son organisme. Les hommes sont divisés aujourd’hui, leurs intérêts sont antagonistes ; les civilisés se rapprochent parce qu’en Europe, il n’y a pas assez de place pour qu’ils se fuient ; mais cette société n’est qu’une juxtaposition. Les corbeaux renfermés ensemble se mangent la cervelle ; les plus forts seuls survivent. Ainsi de nous. S’ils ne sont pas ennemis, les habitués de café ne peuvent être qu’inconnus les uns des autres. Il en résulte que, s’ils se parlent, c’est pour se quereller. Alors à quoi bon s’assembler ? Je comprends les réunions d’hommes sympathiques, dont les affections et les intérêts 125 sont les mêmes ; j’appelle cela de l’association. Mais je ne comprends plus les agglomérations de gens envieux, acharnés les uns contre les