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autres. Puis-je espérer que le coup-d’État du Deux-Décembre qui a banni son père lui aura fait trouver moins dur un exil partagé ? Telles sont cependant nos plus douces consolations, à nous !

Quel homme a donc le droit de parler de ses épreuves lorsqu’il voit des femmes souffrir ainsi ? Qui pourrait dire combien d’années d’existence celle-ci consuma dans ces commotions incessantes ? Chaque jour je regardais ses cheveux pour voir s’ils ne blanchissaient pas ; et je me disais qu’il y a donc encore bien de la vie dans les natures les plus frêles pour qu’elles puissent résister ainsi.

Ils vivent cependant les lâches gouvernements qui mettent en pièces des cœurs de femmes, qui les déportent, les emprisonnent, les exilent, et s’en font gloire ! Et les prêtres imposteurs sont encore écoutés quand ils nous parlent de la justice céleste ! Et l’on élève des arcs de triomphe sur le passage des histrions de l’Empire, ridicules bourreaux déguisés en guerriers ! Et l’on rit, 121 et l’on danse dans les villages dépeuplés ! Et l’orgie couvre Paris de son voile souillé ! Et les familles décimées elles-mêmes ont oublié leurs enfants ! Malédiction sur ce pays et sur ce siècle ! Quand nous mourrons, nous répandrons la peste noire sur le monde éternel, et les vampires n’oseront pas sucer la moelle de nos os !

Les souffrances de cette jeune femme si chétive par le corps, et si forte par l’amour, me révélèrent tout un monde de notions morales. Par elle je compris la source infinie d’affection que renferme