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en le dépliant. Et quand j’entrais, 120 il me serrait la main plus affectueusement que de coutume et suivait tous mes mouvements avec anxiété.

Triste médecine ! Vil métier ! Art menteur qui nous laisse impuissants devant les souffrances de nos meilleurs amis ! Était-ce avec de grands mots et de petites fioles que j’allais soulager cette immense tristesse ? Ah ! si encore, lorsqu’il se porte bien, le médecin pouvait infuser, avec son sang, la moitié de sa force dans les veines de ceux qui lui sont chers ! Le bonheur de les avoir rappelés à la vie, lui rendrait bientôt ce qu’il leur a prêté de santé.

Heureux, bienheureux, je le répéterai toujours, ceux qui n’ont pas connu les tourments de la pensée ! Mieux vaut la fièvre chaude, mieux vaut le franc délire, qui se terminent par la vie ou par la mort, que ces crampes de l’âme qui nous rongent et nous laissent toujours pantelants au supplice d’une existence flétrie. Si encore elle avait pu dormir ! je ne connais de vrai médecin que le sommeil. Mais non, ses peines volaient autour de sa tête obsédée, comme ces insectes qui se repaissent de notre sang et nous réveillent du bourdonnement de leurs ailes.

Je ne sais par quel miracle cette existence si rudement secouée put se conserver ainsi pendant les deux années que je la vis s’effeuiller heure par heure. Depuis, j’ai quitté la Suisse, et j’ai appris que la pauvre femme avait encore échappé à une atteinte plus grave et plus longue que toutes les