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les jardins, ni les promenades, ni les monuments. Avec quelle joie elle eût quitté cette Suisse si pittoresque, si parcourue, si vantée, pour revoir les grandes plaines de Saône-et-Loire et les blés dorés où elle avait cueilli tant de fleurs d’écarlate et d’azur !

Oh ! combien elle regrettait que ses concitoyens eussent remarqué la haute probité et les profondes convictions de son mari, et qu’ils l’eussent envoyé à l’Assemblée nationale de France. Elle se trouvait si tranquille dans sa médiocrité ; toutes ses infortunes dataient du jour maudit qui l’avait élevé aux honneurs. Dès lors, il avait fallu venir à Paris, rester seule pendant les longues heures des séances, vivre, effrayée, perdue au milieu de ce grand bruit. Quand finiraient-elles ces quatre années de législature qui lui semblaient quatre siècles ? Déjà, elle comptait les jours ; elle se reprochait de ne pas avoir apporté d’entraves à une élection qu’elle déplorait, et se promettait bien de l’empêcher une autre fois.

Pauvre femme ! depuis le 13 juin, c’était d’éternelles secondes qu’elle avait à suivre sur le cadran de la douleur dont les aiguilles d’airain ne s’arrêtent jamais. Car elle partageait une condamnation perpétuelle, et sa pensée, qui creusait toujours le passé et l’avenir, était le plus grand de ses maux ; son cœur était littéralement séparé en deux par l’amour de ses parents et par celui de son mari et de son enfant, et chacune de ses moitiés déchirées saignait toujours. Elle eut voulu réunir toute sa