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mépris. C’est à nous de déjouer leurs calculs et de les fatiguer du bruit de notre existence.

L’homme n’a qu’une ressource contre l’exil, c’est le mouvement ; qu’il trouve une occupation quelle qu’elle soit. Si le travail lucratif lui est refusé, qu’il fouille la terre, qu’il tourmente le métal, qu’il écrive son journal, qu’il rame, qu’il s’agite. La terre est grande, et le repos est mortel. Ne vous absorbez point dans vos propres pensées, raidissez-vous contre vos souvenirs. Recommencez la vie en vous créant un nouveau monde, une nouvelle cité, de nouvelles connaissances, une autre langue. Et si toute sympathie vous manque de la part des hommes, aimez la nature ou les livres. Le malheur a besoin d’affections.




Pour tout homme détaché de l’esprit de parti, ce devait être un pénible spectacle que de voir passer tous ces proscrits de nations diverses, gens de guerre, de travail, de pensée ou de tribune, qui tous avaient surmonté les épreuves des révolutions, et qui, maintenant, semblaient anéantis par une inactivité forcée. Ils parcouraient tristement les rues et les larges quais, étrangers à tout ce qui se passait autour d’eux, cherchant à s’expliquer les désastres passés, et à prévoir l’issue des événements actuels.

Les premiers jours, on se mettait aux fenêtres pour les voir ; on les avait représentés si horribles ! Aucune sympathie ne leur fut témoignée en