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Salut ! Genève, Bâle, Zurich. La Chaux-de-Fonds, cités de l’industrie ; — Argovie, Thurgovie, Fribourg et Vaud, chers à l’agriculture. — Salut ! Glaris, Zug, Saint-Gall, Grisons, Valais, Soleure, les sites les plus sauvages de la terre habitée. — Salut, Appenzell, blotti dans la verdure ; Schaffouse, que le Rhin quitte à regret et regarde en s’attardant sur l’arête de sa cascade. — Salut ! Schwitz, Uri, berceau de Tell et de l’indépendance. Salut ! Lucerne aux mille clochers. — Et toi, Berne la fière, froide et sombre comme une des grandes reines qui régnèrent sur le Nord.

Gloire à toi, Suisse, mère de citoyens libres, travailleurs et heureux !

Mais depuis… j’ai habité deux ans la démocratique Helvétie, et j’ai vu les campagnes morcelées, les montagnes déboisées, les héritages clos, les richesses et le bonheur gaspillés par l’usure ; — les intelligences courbées sous une instruction dictatoriale, les consciences endormies par des ministres intolérants ; — les constitutions épuisées par des maladies honteuses, la prostitution battant les murs de sa tête méprisée ; — les hommes accroupis devant des tonneaux de vin, les femmes visant au bel esprit ; — le droit d’asile violé, la fierté nationale humiliée par les grandes puissances, l’antique bonne foi dédaignée ; — une justice vénale, des gouvernements oppresseurs, les libertés communales successivement envahies par un système brutal de centralisation ; — les villes ennemies les unes des autres, les enfants de la Républi-