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102 Place à l’étoile qui file, au tonnerre qui gronde, à la vague qui bondit, à l’air qui court, aux peuples envahisseurs ! La vie, c’est le mouvement ; le monde ne se conserve que par les révolutions. Aussi longtemps que me soutiendra la voix de la Liberté, aussi loin que pourront me porter mes ressources, aussi profondément que pourra pénétrer ma pensée,… j’irai.

« Homme marche ! Le ciel est devant toi et l’enfer derrière. »

Si mon corps, limité dans le temps et dans l’espace, ne peut quitter aujourd’hui, 28 août 1853, les lieux où la médiocrité l’enchaîne, au moins je laisserai mes souvenirs, ces larmes du cœur qu’aucune main ne peut comprimer, je laisserai mes souvenirs revenir lentement, comme des vieillards, sur le sillon rapide que tracèrent mes jeunes espérances. Aussi bien, les objets ne sont distinctement perçus qu’au foyer lumineux qu’entretient le choc de nos comparaisons. Je rapprocherai donc mon passé plein de rêves de mon présent gros de réalités, ce que j’éprouvais à vingt-quatre ans, en sortant de mon pays pour la première fois, à ce que j’éprouve à vingt-huit, après avoir vu des contrées et des hommes si différents les uns des autres. Ainsi je pourrai mesurer les débris des enthousiasmes, des déceptions, des admirations, des erreurs, des préjugés, des convictions et des sentiments divers que quatre années d’exil ont accumulés sous mes pieds. Je le répète, celui-là est un crétin, qui prétend conserver tou-