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Ô les poètes ! Ô Béranger ! Voilà pourtant les beaux fils que vous donnez à la Liberté ! Vous nous les représentez, le pied ferme, sur la crête des monts, et les cheveux tourmentés par la tempête ; leur voix est plus forte que celle de l’avalanche, et leurs bras plus durs que les serres de l’aigle. Vous leur donnez conscience de leur haute mission, vous en faites des redresseurs de 95 torts qui déchirent de leurs balles le sein de la nuit et la poitrine des douaniers. Et quand nous venons à les approcher, nous trouvons que toute l’ambition de ces nobles bandits est de devenir épiciers. J’aurais voulu que les réformateurs imbéciles, qui nient l’intérêt et l’égoïsme, eussent pu entendre cet homme, et apprendre de sa bouche de fer qu’il faut compter avec toutes les passions, si l’on veut être compris par les hommes.

Au surplus, au point de vue de son intérêt présent, les discours de cet homme étaient sensés. Le rouage principal d’une machine commande tous les autres. Dans le corps humain, quand les vaisseaux profonds sont obstrués, il s’en forme de nouveaux à la surface qui ont la même structure, la même direction et les mêmes germes de maladie que les anciens. La contrebande est organisée comme la douane ; l’une enfante l’autre, elles ne périront qu’ensemble. Toute la différence entre elles, c’est que la contrebande est une contribution prélevée sur le public par d’autres employés que ceux du gouvernement.