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rable en rentrant dans une société qui considère quiconque paie. Les privilégiés sont moins courageux que nous, et cependant il nous ont divisés. Nous sommes affaiblis par de continuelles privations, empoisonnés par des jouissances corrompues. La force réduit les plus fiers. Que j’aille confier à mon voisin le secret d’une conspiration, et mon voisin me vendra. Cela est de bonne guerre. Ah ! pour rassembler dans une commune vengeance tant d’hommes déshérités, il faudrait d’immenses richesses. Ce n’est pas moi, pauvre diable, qui redeviendrai fou au point de tenter la fortune.

» Vous vous élancerez plein d’espoir sur la route de la vie, chantant comme le voyageur qui commence sa première étape. Les jambes sont reposées le matin, l’air est frais, l’horizon semble propice. Tant mieux pour vous si vos illusions ne sont pas déchirées trop tôt, si la tempête ne déploie pas ses ailes noires sur votre ciel serein. Mais le jour viendra où vous serez trahi par votre ami, où vous serez trompé par les hommes que vous admiriez le plus, où votre maîtresse s’abandonnera aux embrassements d’un autre, où vous trouverez une goutte de fiel au fond de votre coupe, un pli sur votre front, un cheveu blanc parmi vos cheveux noirs. Et ce jour de deuil survient d’autant plus vite que notre enthousiasme est plus grand et nos pensées plus actives. Pour vous, ce jour sera demain : croyez-en l’expérience d’un homme mûr ».