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sabre sur le pavé. Honte et confusion ! Je crois valoir mieux que les jeunes gens qui servent l’injustice.




Adieu donc nation avilie ! Fors l’honneur il te reste tout, armes, force et science, dont tu as désappris l’usage. Dors ton lâche sommeil et puisse te poursuivre le cauchemar de la Peur ! Je te quitte sans regret et sans espoir, emportant le sourire de ma mère, les grandes voix de la prairie, de la montagne et de l’eau. Si jamais je reviens dans ma ville, mon chien et mon cheval seront morts, mon fusil rongé par la rouille, mes livres et mes instruments égarés, la maison vendue, le bois, les rochers et la verte rivière bouleversés par des rails. Mes parents pencheront vers la tombe, et mes cheveux auront blanchi. Ceux que je vis enfants seront devenus pères ; ceux que je connus hommes auront le dos voûté. L’herbe recouvrira les inscriptions funèbres ; les couleurs des maisons auront disparu sous la pluie, les arbres tomberont de vieillesse ; et la première chose qui frappera ma vue sera le marteau de notre porte oxydé et ramolli. La faulx du temps est toujours aiguisée contre les ouvrages des hommes. Seuls, le souvenir et l’espérance nous donnent quelques instants de bonheur.




Cependant la diligence, courant à toute vitesse, suivait la route sinueuse qui conduit de Besançon