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plis le ventre de tes provisions, tellement que leurs enfants en sont rassasiés, et ils laissent leur reste à leurs petits enfants. »




Mais un indicible serrement de cœur me prit quand je traversai ma Bourgogne natale. J’eusse désiré que devint plus lourd le galop des chevaux qui m’emportaient. C’était à la fin de juin, dans cette saison de l’année où la nature, encore parée de la verdure du 84 printemps nous promet déjà les fruits d’automne. Alors, le soleil brûlant de feux dépose sur les fruits à noyaux ces ardents baisers qui les font rougir comme des jeunes filles surprises par leur premier amant. Ces amours ne durent qu’un matin. Après quoi, jonchent le sol la framboise parfumée, la fraise qui se cache sous le voile de ses larges feuilles, et la cerise aimée des oiseaux. Après quoi, semblable à nous, pauvres humains, dont les prétentions diminuent à mesure que les années augmentent, le Dieu du jour adresse ses hommages aux beautés plus sévères de l’automne : la verte poire, la pomme qui se fond en eau, et les fruits d’Ibérie à l’épiderme d’or.

Ce fut un long adieu que j’envoyai à ces côteaux revêtus de leur robe verte ; à ces forêts que j’avais si souvent parcourues ; à cette paisible rivière d’Armançon dont je connaissais toutes les îles, aussi fraîches que des corbeilles de fleurs. Que de fois j’avais fendu ses ondes froides, que de fois je les avais frappées de mes rames ; que de luttes