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leur faute ; que, si ces lieux sont infects, empoisonnés, ceux qui les fréquentent en sont les premières victimes. Mais nous ne pouvons nous refuser à voir que ces hommes sont malpropres, grossiers, ignorants, avides de faire le mal, pleins de vin et de luxure. Et nous avons des nerfs trop susceptibles, une âme trop impressionnable, une dignité trop farouche pour supporter volontiers la brutale insulte, l’intimité dégradante, le poing ou le bâton levés sur notre tête ; nous ne pouvons vivre au milieu de réunions semblables. Nous n’aimons pas à être confondus avec des gens dont personne ne connaît ni les antécédents, ni les moyens de vivre. Nous plaindrons ces hommes, nous revendiquerons pour eux, au nom de la justice ; nous combattrons la société qui les vicie ; mais rien au monde ne saurait nous contraindre à nous attabler, à jurer, et surtout à boire avec eux. Que le peuple le sache ; les plus méprisables d’entre ses tribuns sont les ambitieux qui s’abaissent jusqu’à célébrer la crapule et encenser la fange.

Pour l’exilé, plus d’amour. La femme la plus sympathique ne se donnera jamais à un inconnu. Ne faut-il pas qu’elle puisse appeler d’un nom chéri celui qu’elle presse dans ses bras ? Les caresses accessibles au proscrit sont celles qu’avec un écu le premier venu peut obtenir, qu’il soit vieux, idiot, déformé, repoussant au physique et au moral. À l’homme sans nom, la femme sans nom ; cela doit être, et cela est. Certes, ce n’est pas nous qui chargerons ces pauvres filles de lâ-