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Dieu quelconque ; les plus docteurs de toutes les religions n’en savent pas, à l’heure qu’il est, plus long que moi là-dessus. Mais ce qui m’importe davantage, c’est ce que Dieu et ceux qui en parlent et en vivent restent bornés à leur empire céleste.

C’est précisément parce qu’il me paraît aussi indifférent de nier que d’affirmer l’existence théologique de Dieu, et c’est parce que je nie son existence pratique, exploitée par les puissants de la terre, que je crois à la renaissance de l’âme humaine, à sa liberté dans son caractère individuel, en dehors de l’intervention de tout despotisme divin. La vie paradisiaque ne serait pour nous que la plus humiliante des oisivetés, le plus complet des anéantissements.

… L’âme de Laviron reviendra parmi nous. Elle plane déjà sur les vagues pressées de la mer humaine, comme l’esprit de la Révolution sur les sociétés, alors même qu’elles semblent plongées dans un profond sommeil. Elle s’est penchée déjà sur le berceau d’un enfant. Elle l’a choisi beau, plein de vigueur ; elle écartera de sa jeunesse le joug des préjugés, la tyrannie des coutumes et les hébêtantes clameurs de l’opinion. Elle lui apprendra à se jouer des flots de la mer, à conduire un coursier, à rompre une lance, à diriger le canon d’une carabine contre la poitrine d’un tyran. Elle le plongera, nouvel Achille, dans les eaux de ce fleuve aux rives escarpées, au cours rapide, parsemé de brisants, qui s’appelle la Révolution,