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reste encore une certitude et un espoir : la certitude de nouveaux combats, l’espoir de relever la révolution européenne. Trois républiques combattent encore ; elles n’amèneront leurs pavillons que sur des monceaux de cadavres. Venise se défend dans ses lagunes, rugissante, hérissée comme le vieux lion de Saint-Marc. Au milieu du monde slave, futur Messie des nations, la Hongrie s’est levée comme un nouveau précurseur. Et sur les hauteurs du Vatican, les Romains du xixe siècle ont repris l’œuvre de Rienzi.

….. Mais quels sont ces vaisseaux qui bondissent sur la plaine salée ? Les flots s’entrouvrent devant leurs poitrails couverts d’écume ; sans bruit, leurs gouvernails s’agitent dans l’onde. Les couleurs de la France sont suspendues à leurs vergues. Ils sont encombrés de soldats, de munitions et de machines de guerre. Longue vie à la France républicaine qui vient délivrer Rome expirant sous les serres de l’aigle d’Autriche !

….. Écoutez, écoutez ! Les marins sont tristes sur les ponts de ces navires ; les oreilles de la nuit ne sont pas égayées par leurs chants. Ils s’avancent à la faveur des ténèbres, comme des pirates, mornes, comme des oiseaux de proie, vers la baie tranquille de Civita-Vecchia.

Le cœur de l’homme silencieux est rempli de mauvais desseins, et cette flotte trace un sillon sanglant dans les eaux d’azur de la Méditerranée. Les siècles ne l’effaceront pas.

Honte et malédiction !… Vagues, pourquoi dor-