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le siècle de notre décadence, et si j’ose dire, moi, tout ce que je prévois.




60 En avant ! en avant ! La vie de l’homme ne se mesure qu’à ses actes ; elle ne s’évalue pas au silence de son cœur, mais au nombre de ses battements. Pour les âmes actives, le repos c’est la mort ; elles ne brillent que dans le feu. Que la mort vienne saisir quand elle voudra l’homme qui a connu toutes les passions et toutes les révoltes ; il aura plus vécu que celui qui se coudoie avec des milliers d’autres, et suit le grand chemin qu’ils obscurcissent de la poussière de leurs pas.

À l’heure où la lune sommeille, bercée sur le sein maternel de la nuit, quand le grillon chante derrière la plaque du foyer, quand tout dort dans la nature, j’évoquerai le génie de la Révolution. Et docile à ma voix, il descendra des régions où les astres s’embrasent, il se tiendra debout à mon chevet, et sa droite, armée d’une épée flamboyante, dissipera devant moi les ténèbres de l’avenir. Alors des visions enchantées me tiendront haletant, et le sommeil ne sera pour moi qu’une veille ardente.

À l’heure où le soleil levant sème l’argent et l’or sur les couronnes des glaciers, où les oiseaux essaient leurs voix engourdies, où le chamois boit la rosée dans la coupe cramoisie des rhododendrons, je détendrai mes membres raidis, je