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Jamais l’histoire n’en raconta de pareilles depuis Spartacus ; jamais elle ne pourra les retracer sans rouler un crêpe autour de sa plume, et la tremper dans le sang.

23, 24, 25 juin 1848 ! Jamais, aux rives de la Seine, plus chaud soleil ne se leva sur plus de morts ; jamais les eaux du fleuve ne furent rougies par tant de sang ; jamais on n’arracha plus de pavés à leurs gîtes de sable ; jamais les voix sœurs du tocsin et du canon ne confondirent dans l’air de si formidables mugissements.

Ce n’était pas une émeute de boutiquiers ; c’était une révolte 57 d’anges rebelles qui, depuis, ne se relevèrent plus. Tout ce que le prolétariat de Paris renfermait d’invincible énergie et de poésie sublime tomba dans ces jours néfastes, étouffé par la réaction bourgeoise, comme le froment par l’herbe stérile.

Ils dédaignèrent les calculs de la Diplomatie trompeuse et de l’Opportunité transie, ces fiers enfants du peuple ; ils marchèrent quand les appela la voix de la Liberté ; ils s’arrêtèrent quand les appela la voix de la Mort, qui est aussi la voix de la Liberté. Comme leurs combats, leur drapeau fut sans tache, et courageuse leur devise.

Leur drapeau était rouge. Pouvaient-ils adopter d’autre couleur que celle du sang, ce liquide de la vie que produisent tous les organes de l’homme, et que nul n’accapare sans danger de mort ? Que réclamaient-ils autre chose, ceux qui font tout, que leur part de consommation dans les richesses communes, qu’une goutte de sang ?