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fatal panier, et les hymnes de la République entonnées par ceux qui partent pour l’exil ou la transportation lointaine.

Une fois encore les peuples seront vaincus par les rois !

Ainsi je chantais : et ces imprécations appaisaient ma colère, comme l’écume soulage le délire de l’Océan, comme les premières gouttes de pluie déchargent la nuée d’orage, comme le flot de lave tempère la fièvre du volcan.

Aussi bien, je n’étais plus l’homme à la démarche courbée, au regard fixe, au front soucieux, rassasié de l’odeur des cadavres. Les éclairs de Février m’avaient secoué de mon découragement, j’avais été réveillé par les acclamations d’un peuple libre, je respirais à l’aise, dans cet air saturé des clameurs de l’émeute. Loin de moi, loin de moi j’avais rejeté la tunique empoisonnée que l’ennui déploie sur les épaules de l’homme solitaire. Et je m’étais élancé, les cheveux au vent, vers l’étoile d’espérance que la Révolution faisait briller devant moi. Jusqu’au bout du monde, j’aurais suivi cette étoile avec l’ardeur de l’amant qui découvre enfin la fiancée de ses rêves.

56 Les clubs m’avaient vu, et moi que la timidité rendait muet jadis, j’avais su trouver dans mon indignation des accents d’éloquence. Car celui-là dit bien toujours, dont l’émotion n’est pas feinte, et qui fait courir le cri de son âme sur les têtes de la multitude.